Réflexions de l’association R.E.N. sur la reconstruction dans la vallée de la ROYA

Après la phase de sidération dans les jours qui ont suivi la catastrophe du 2 octobre dernier, les habitants de la vallée de la Roya et leurs groupements, anciens ou nouveaux, ont commencé à réfléchir sur ce qu’il convient de faire pour la reconstruction. Cela concerne aussi l”association REN, créée en 1989, et dont l’objet est très large puisqu’il concerne le développement durable de la vallée, la protection de l’environnement étant privilégiée : d’où le terme « expansion » dans son sigle, sans doute un peu daté et souvent critiqué, mais ce sigle siffle comme un sabre de samouraï – notez l’intéressant effet d’allitération à l’oral – et met en garde ses opposants ou ses détracteurs, surtout au niveau officiel. C’est pourquoi nous le conservons. Notre passé contentieux est là pour en témoigner. Toutefois, nous ne sommes pas ici sur le registre de la menace, mais plutôt de propositions constructives assorties de mises en garde très claires et motivées, et nous serons évidemment à l’écoute de toutes les autres contributions, individuelles ou collectives.

En premier lieu, il convient d’opérer un retour à des considérations scientifiques élémentaires pour mieux comprendre ce qui nous est arrivé.

I) Typologie des inondations

On peut distinguer quatre types d’inondations en termes de manifestation et de cause(s) :

a) la crue classique par élévation rapide ou lente de la surface d’un cours d’eau et d’un plan d’eau ;

b) la crue torrentielle, par élévation rapide du niveau de l’eau avec forte énergie cinétique aux effets dévastateurs, liée au profil en long du cours d’eau (montagne), variant autonome du (a) ;

c) le ruissellement sur un sol ne permettant plus un infiltration suffisante des pluies (« battance » de sols agricole, sécheresse prolongée du sol, même « non battant », artificialisation…) ; c’est l’inondation « par le haut », et non « par le bas » ;

d) la remontée de nappe phréatique du fait d’une saturation du sous-sol porteur de la nappe (cf. une éponge trempée qui n’éponge plus rien) ; c’est un peu le contraire du ruissellement, l’inondation « par en-dessous ».

A cela on peut ajouter la submersion marine (La Faute sur Mer, Vendée…), rare et spécifique, qui doit être considérée à part et ne nous intéresse pas ici.

Ces types d’inondation peuvent se cumuler, mais on n’a jamais observé les quatre à la fois : on observe notamment (a) et (c), et (a) et (b), (a) et (d), mais aussi (b) et (c) : c’est ce dernier mode de cumul qui a dévasté la Roya et la Vésubie.

L’artificialisation des sols n’est pas très importante dans notre contexte, mais la fréquence des substrats rocheux à l’air libre joue le même rôle.

La cause principale des inondations en général est bien sûr d’ordre pluviométrique (lien évident avec le changement climatique), mais il en est d’autres qui peuvent apparaître comme tout autant déterminantes, ce qui les met en première ligne sur le plan de la prévention :

– l’absence ou l’insuffisance de l’entretien des cours d’eau (gestion de la ripisylve notamment) ;

– des ouvrages de régulation de la circulation de l’eau en surface absents ou insuffisamment dimensionnés (fossés, bassins de rétention…), et même parfois inutiles ;

– et surtout : l’artificialisation des sols en général, liée à l’urbanisation, aux infrastructures, etc., génératrice de ruissellement au détriment de l’infiltration.

Ce dernier facteur renvoie au droit de l’urbanisme (autorisations d’urbanisme indûment accordées par complaisance politicienne clientéliste ou incompétence pure et simple). Cela s’est produit dans la vallée de la Roya, comme ailleurs. Mais on ne peut tout traiter de front et d’un seul coup, et nous nous devons nous concentrer sur la question de la prévention au regard d’un retour du risque, qui est certain et non seulement probable, comme le séisme majeur. La seule question qui se pose est : quand ?

II) Sur les causes de la catastrophe dans la Roya

1) Le changement climatique

Il s’agit à l’évidence d’une crue torrentielle, due à un épisode méditerranéen – ci-devant « cévenol » – de pluies très intenses et concentrées sur une superficie montagneuse assez restreinte, la Ligurie et le Piémont voisins ayant été aussi affectés. Cet épisode est clairement lié au changement climatique : il s’agit donc d’une cause principale sur laquelle nous n’avons que peu de prise au niveau local, et qui n’est pas près de trouver une solution satisfaisante au niveau international malgré les mises en garde répétées du GIEC et de diverses personnalités, dont Greta Thunberg : « après nous, le déluge » est un programme d’actualité pour les soi-disant « élites ». Inutile de rabâcher là-dessus, si ce n’est pour signaler d’entrée qu’il risque fort d’être instrumentalisé par les responsables politiques nationaux et territoriaux pour esquiver ou occulter les autres causes, qui relèvent de leur politique passée ou présente, ou l’accumulation d’erreurs tendant à se transformer en faute.

2) Les erreurs historiques, anciennes ou récentes, en matière d’urbanisme

Certains commentaires d’expert-e-s authentiques l’ont dit dans les médias juste après la catastrophe, au sujet de la Vésubie, surtout: au moins une partie des bâtiments emportés, d’habitation ou fonctionnels, n’auraient pas dû être là. C’est peut-être moins le cas dans la Roya. S’agissant des infrastructures, on ne peut évidemment reprocher à la RD 6204 et aux ponts emportés et détruits d’être là où ils étaient. Par contre, il serait peu responsable de reconstruire les stations d’épuration emportées ou endommagées au même endroit : il serait nécessaire qu’elles soient « plus haut », ce qui constitue un problème ardu sur le plan technique, sur lequel nous ne prétendons pas détenir la vérité ou la solution. En ce qui concerne les bâtiments emportés, leur zone d’implantation doit être déclarée inconstructible dans les documents d’urbanisme communaux ou intercommunaux, quelles que soient les protestations ou les résistances. L’association REN soutiendra évidemment les demandes d’indemnisation les meilleures possibles.

Contrairement à une idée reçue, il n’existe juridiquement aucune interdiction générale de construction en zone inondable. Encore faut-il préciser ce qu’on entend par là, car il y a inondation et inondation. En fonction de cela, il est possible de construire dans certains cas en zone « faiblement » inondable avec les techniques appropriées (cf. le lycée dans le cours du Paillon à Nice, construit sur pilotis, avec possibilité d’évacuation puisqu’il n’est pas occupé en permanence). Les règles d’urbanisme sur la constructibilité ou l’aménagement des espaces menacés consistent à prévenir les effets, mais assez peu les causes de l’inondation de type x ou y. On peut agir sur les causes par un entretien plus pertinent d’un cours d’eau, par exemple, mais le risque de crue torrentielle majeure, sorte de tsunami longitudinal, ne s’accommode pas de ces solutions de l’inondation classique de type (a) ou (d) : on est clairement dans le « tout ou rien ».

En dehors du risque de crue torrentielle, des permis de construire peuvent être dans certains cas légalement délivrés en zone inondable, les bénéficiaires étant dûment informés du risque et de ces caractéristiques précises si le travail administratif est correctement fait. Il faut souligner qu’un permis de construire n’est pas une obligation de construire, on peut toujours renoncer à un droit accordé : il n’est pas interdit d’être intelligent… Mais il est certain que de nombreux permis de construire ou autres autorisations d’urbanisme ont été accordés de façon illégale dans le temps, dans la Roya comme ailleurs, et, en sens inverse, les constructions sans permis font l’objet de traitements étrangement différenciés : indifférence en général, impunité totale pour les uns, répression implacable pour les autres, clientélisme oblige. Le « détournement de pouvoir » par une autorité administrative, motif d’annulation contentieuse d’un refus ou d’un octroi d’autorisation d’urbanisme en droit administratif, est généralement impossible à prouver : cela consiste à favoriser ou défavoriser une personne physique ou morale dans l’exercice de ce pouvoir sans aucune base objective. Dans la vallée de la Roya, cela n’a pas été une occurrence rare.

On comprend donc que, dans cette vallée comme dans d’autres, des constructions ont été érigées sur cette base, mais aussi, plus souvent sans doute, sur la base de la légèreté de l’instruction ou d’une certaine incompétence des services saisi, sans qu’on puisse toujours démêler ce second facteur du premier (complaisance ou favoritisme). Il serait utile que ces comportements cessent définitivement suite à la catastrophe du 2 octobre 2020, et il serait intéressant à l’avenir d’étudier l’histoire précise des autorisations d’urbanisme de tout ce qui a été emporté.

III) Les étapes de la prévention pour la Roya

1) En matière de connaissance du risque de crue torrentielle renouvelée

Une telle connaissance du risque est nécessaire pour la révision des sources du droit de l’urbanisme applicables à la vallée : de même qu’il existe des « itinéraires de ruissellement » dans certaines régions normandes ou autres, il existe des itinéraires de ruissellement manifestes en dehors du lit de la Roya : celui des affluents ou sous)affluents, et d’autres qui le sont moins comme certains espaces linéaires comme les sentiers ou les pistes. On doit donc distinguer le lit de la Roya elle-même (crue torrentielle principale), celui de ses affluents, même petits (crue torrentielle secondaire alimentant la principale), et des « itinéraires de ruissellement » hors cours d’eau, qui alimentent les deux précédentes :

a) une connaissance pointue des limites du nouveau lit majeur de la Roya déterminera les limites latérales de la constructibilité des terrains, compte tenu des nouveaux aménagements des berges à réaliser (enrochements cyclopéens massifs…) et des autres facteurs locaux de risque (chute de blocs notamment), sans oublier le risque sismique omniprésent ;

b) même remarque pour les affluents, avec moins d’enjeux techniques, sauf pour leur franchissement par des infrastructures de voirie (ponts, sentiers, pistes diverses) ;

c) les « itinéraires de ruissellement torrentiel » ne sont pas aisés à recenser dans leur intégralité, puisqu’on peut penser que personne n’était là pour les observer au moment fatidique avec un bon parapluie, comme cela doit se faire en principe pour la maîtrise postérieure du ruissellement classique ailleurs sur le territoire; certains ont pu sans doute observer les cascades sur les escarpements rocheux au-dessus de la RD 6204 ou les routes secondaires d’accès aux villages et hameaux, et il a pu y avoir des traces ailleurs.

A noter que tout cela peut donner lieu à des exercices de modélisation par des spécialistes du corps des ingénieurs des ponts, des eaux et forêts (IPEF) ou d’autres organismes (INRAE…).

2) En matière d’accessibilité en temps de crise

Depuis longtemps, l’association REN et d’autres (Amis du Rail, comités franco-italiens, etc.) ont défendu le maintien et le développement des deux lignes ferroviaires se rejoignant à Breil : Nice-Breil et Vintimille-Tende-Cuneo (donc Nice-Tende au niveau français). La majorité actuelle du Conseil régional PACA était sur le point de fermer la ligne Nice-Breil-Tende pour la remplacer par des services de cars, qui prendraient deux fois plus de temps que le train, avec les risques propres à la circulation hivernale. Si cela avait eu lieu avant la catastrophe, la situation des populations des villages isolés aurait été encore plus terrible.

Lors d’un épisode de crise survenu en 2000, et sans aucun problème d’inondation, il y eut une coupure simultanée de la RD 6204 et de la voie ferrée en amont de la Giandola, sur la Tana, suite à importante chute de blocs rocheux. Les villages au nord de la coupure étaient isolés, et le préfet n’avait rien trouvé de mieux que d’interdire le passage à pied à l’endroit dangereux (d’où des échauffourées avec les gendarmes). Des gens venus de Saorge se sont retrouvés à crapahuter avec bagages dans le vallon de Caïné, entre Saorge et Breil : il fallait connaître les subtilités du sentier adjacent à ce torrent, sentier qui a aujourd’hui disparu.

Par conséquent, la prévention du risque de crue torrentielle doit se conjuguer avec cet autre risque, bien distinct sur le plan de l’événement et de ses causes, mais qui a lui aussi vocation à revenir. L’examen de la carte IGN au 25000ème et la connaissance que nous pouvons collectivement avoir du terrain de notre vallée nous permet d’envisager deux innovations en ce sens :

– en rive droite, envisager une connexion Granile-Berghe supérieur ; inconvénient d’un dénivelé important (lacets…), impact paysager majeur, impact écologique à évaluer ;

– en rive gauche, le plus gros est déjà fait de part et d’autre du vallon de Groa (piste Saint-Dalmas-Terris, piste partant de Fontan à l’usine EDF et devenant petit à petit un chemin vers Psor ; moins de travail que pour l’autre cas, impact paysager faible, impact écologique à évaluer ; problème du franchissement du vallon de Groa avec ouvrage important à réaliser pour passer au-dessus de l’itinéraire de crue torrentielle du vallon ; continuation jusqu’à La Brigue à étudier.

A notre sens, l’hypothèse du chemin de Terris par Groa est préférable à la connexion Granile-Berghe si l’on veut anticiper sur la répétition de l’épisode catastrophique que nous avons connu. En termes de tracé, les routes d’accès à Granile et Berghe sont étroites et comportent de multiples lacets, et seront certainement affectées gravement par des éboulements ou glissements de terrain, et la piste à réaliser comportera aussi nécessairement des lacets. Au contraire, le tracé en rive gauche d’une piste déjà largement existante, sans lacets, est plus aisé à maîtriser en termes d’entretien et de réfection en cas d’intempéries.

On objectera que de telles pistes peuvent être elles aussi endommagées par un épisode pluvieux

intense : c’est vrai, mais elles sont plus facilement et plus rapidement réparables qu’une route détruite sur des centaines de mètres. Cela implique que soient prépositionnés soit à Fontan, soit à Saint-Dalmas des engins appropriés à cette fin. Force 06 est l’organisation pertinente pour cela. Si l’une ou l’autre de ces pistes avait existé lors de la catastrophe, le désenclavement de Saint-Dalmas aurait pu avoir lieu en quelques jours pour évacuer les personnes vulnérables autrement qu’en hélicoptère, et surtout fournir un ravitaillement de base en sens inverse des évacuations. La question d’alternatives du même type pour la liaison Saint-Dalmas-Tende et Saint-Dalmas-La Brigue doit être posée. Cependant, il convient de souligner que le maintien et l’amélioration de la liaison ferroviaire reste pour nous l’enjeu principal, avec une perspective d’électrification et de développement du ferroutage, en temps normal et en temps de crise, pour pallier l’indisponibilité du tunnel du col de Tende pour longtemps.

Relisons les ouvrages monumentaux écrits par les érudits locaux (histoire de Saorge et Fontan, Breil, etc.). L’iter publicum romain et les chemins ligures antérieurs étaient à mi-pente, et cette voie romaine reprenait certainement un chemin ligure antérieur. On ne circulait pas en fond de vallée, et c’est pour des raisons essentiellement militaires que la maison de Savoie a ouvert la route des gorges de Saorge et de Paganin. Bien sûr, il faudra toujours circuler en fond de vallée, avec peut-être quelques tunnels nouveaux, notamment en amont de la centrale électrique de Paganin (cf. carte), afin de « couper » et de soustraire quelques portions de cet itinéraire incontournable à la fureur occasionnelle de la Roya. Mais attention : se recentrer sur la mi-pente doit exclure tout projet délirant de quasi-autoroute avec immenses ponts et viaducs comme cela avait été envisagé par l’Etat et le Conseil général pour la « percée du Mercantour » avec un grand tunnel, au cours de la décennie 90 du siècle dernier.

Lors de la crise de 2000, des gens circulèrent en voiture entre Fontan et Breil par la RD 40 de la vallée du Caïros et la piste rejoignant la crête séparative Caïros-Maglia à partir de la quasi-extrémité de la route, pour emprunter les pistes de la Maglia aboutissant au-dessus de la Giandola de Breil : très long, non sécurisé et ennuyeux pour la santé des véhicules… Mais cet itinéraire est le seul possible, en rive droite. On peut envisager un itinéraire en rive gauche par Chiendat avec débouché au quartier Veil de Breil, mais il est hypothéqué au départ par la proximité de la Roya et à l’arrivée par le franchissement du torrent Caïné dans une zone d’urbanisation diffuse, à cheval sur les communes de Saorge et Breil, et le franchissement de la Roya par un pont qui a été emporté à proximité de la station-service ENI. Cet itinéraire aurait cependant l’avantage d’éviter les inconvénients du précédent, qui est hypothéqué par la vulnérabilité de la RD 40 en amont de Maurion et irréaliste à ce titre.

Cela signifie qu’il faut identifier des « sentiers stratégiques » qui, sur le mode pédestre, permettraient une circulation minimale en temps de crise dans la vallée et les vallées affluentes. Ces sentiers devraient faire l’objet d’un entretien suivi et sérieux, la solution des pistes nouvelles étant à proscrire en général.

IV) Perspectives institutionnelles et juridiques

1) Rappel de la hiérarchie des sources du droit de l’urbanisme

Les autorisations d’urbanisme (permis de construire, d’aménager, de démolir et non opposition à déclaration de travaux) doivent être conformes au PLU communal ou intercommunal, ou à la carte communale ou intercommunale en cas d’absence de PLU. L’autorisation est délivrée ou refusée par le maire, ou éventuellement le président de l’intercommunalité. S’il n’y a rien de tout cela, ce sont des règles nationales qui s’appliquent, et c’est l’Etat (préfet) qui est compétent en la matière.

Les PLU ou cartes (inter)communales doivent être compatibles avec une foultitude de sources supérieures, qui doivent être compatibles entre elles : Schéma de cohérence territoriale (SCoT), Directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes (DTA), et, au sommet, la « loi montagne ». Tous ces textes doivent intégrer la prévention des risques naturels, à peine de nullité (loi montagne exceptée). Les associations concernées et citoyens de la Roya doivent donc être attentifs à cela à partir de 2021, et même prendre les devants si l’immobilisme se manifeste.

2) Perspectives d’évolution des sources du droit de l’urbanisme

Les PLU communaux (carte communale pour Saorge) de la Roya ont vocation à être révisés ou au moins modifiés. Il est douteux que les maires en prennent l’initiative par eux-mêmes : ils/elle vont attendre des initiatives au niveau des sources supérieures dans la pyramide : CARF pour le SCoT, et DTA pour le préfet. Il est à craindre que les préoccupations immédiates et techniques de la reconstruction des infrastructures détruites ne renvoient cette démarche de mise à jour aux calendes grecques, alors que la longueur des procédures administratives impliquées peut laisser une catastrophe (crue torrentielle ou coupure grave et longue des deux infrastructures linéaires) se reproduire entretemps. C’est donc le rôle des citoyens et de leurs associations compétentes en l’espèce de rappeler tout le monde à l’ordre.

V) Mécanismes juridiques de prévention dans la reconstruction

Le présent paragraphe ne comporte pas, sauf exception, de références directes aux textes applicables afin de ne pas en alourdir la lecture. Ces références figurent en annexe.

A) Sur la DTA 06

Ce texte assez ancien (2003) doit être actualisé en tenant compte de la catastrophe qui a frappé la vallée de la Roya et les autres vallées de l’arrière-pays concernés sur les points suivants :

1) A titre principal : le point IV-51 sur la gestion des risques naturels

2) A titre secondaire, au fil du texte : sur le Haut-Pays, les points III-21, p. 117 en particulier, III-231 et III-232

Enfin, le point IV-7, en conclusion du document, porte sur la nécessité d’une actualisation de ce texte. Il conditionne en effet, sur le mode de la compatibilité, les SCoT, et, indirectement les PLU communaux ou intercommunaux ou les cartes communales ou intercommunales qui peuvent les remplacer.

Les textes applicables ne prévoient pas de révision pour les DTA anciennes, antérieures aux DTADD, plus récentes (2015), qui font des premières un document transitoire. On en déduit que toute procédure de révision de la DTA 06 impliquerait pour l’Etat de prescrire une DTADD, qui abrogerait et remplacerait la DTA de 2003. Mais la révision est une procédure lourde, identique à celle de l’élaboration initiale, et qui peut être remplacée par une simple modification : le critère de l’obligation de révision d’une DTA(DD) ou d’un SCoT est l’atteinte à l’économie générale du document en question. Or l’intégration d’une meilleure appréhension et d’une actualisation de la prévention d’un risque naturel comme le nôtre ne paraît pas remettre en question cette économie générale (équilibre entre urbanisation, espaces verts, espaces naturels, préservation du patrimoine architectural et culturel, etc.). La mise à jour de la DTA ou du SCoT relève certainement de la modification du document, et non de sa révision.

B) Le SCoT porté par la CARF

La partie contraignante du SCoT est le document d’orientation et d’objectifs (DOO). Le DOO du SCoT de la CARF (arrêté en 2019) comporte des prescriptions (P), à caractère impératif, et des recommandations (R). La prévention du risque de crue torrentielle dans la Roya nous paraît relever de P, et de R de façon très accessoire. Or la consultation de ce document montre une insuffisance manifeste en matière de prévention du risque naturel « inondation », version « crue torrentielle » dans la partie montagneuse du périmètre (Roya et Bevera), alors même que la compétence GEMAPI (gestion de l’eau, des milieux aquatiques et de la prévention des inondations) est légalement du ressort exclusif de la CARF. Si on considère que la CARF détient aussi les compétences « eau potable » et « assainissement », on voit que la question de la sécurisation des réseaux d’adduction d’eau potable et celle des stations d’épuration à reconstruire sont à intégrer à l’adaptation du SCoT à la réalité nouvelle, au point qu’on peut provisoirement oublier la DTA(DD) : la CARF peut décider directement de modifier le SCoT sans attendre la même opération pour la DTA, puisque la révision du DOO, adopté récemment au surplus, n’apparaît pas nécessaire. Elle peut totalement ignorer l’attitude préfectorale, surtout si celle-ci est immobiliste.

Toutefois, le préfet peut évidemment adopter une attitude plus active sur la DTA, d’autant plus qu’il doit aussi tenir compte des problèmes de la Vésubie et des autres vallées affectées. De fait, la version actuelle de 2003 prévoit l’existence ou l’élaboration de PPR-inondations, dont l’initiative appartient à l’Etat (cf. ci-dessous), mais l’arrière-pays n’était pas concerné. Il suffirait donc de l’actualiser sur ce point par voie de modification.

Le code de l’urbanisme distingue une procédure de modification de droit commun d’une procédure de modification simplifiée. La première est nécessaire si le DOO du SCoT doit être modifié en matière de prévention des risques naturels (art. L 141-4, al. 5) ; la seconde procédure n’est donc pas possible.

C) Les instruments de recentralisation

On entend par là l’ensemble des prérogatives de l’Etat prévues par le code de l’urbanisme, puisqu’il eût été hasardeux de laisser aux élus territoriaux la totalité des pouvoirs en la matière. Dans notre cas, il s’agit de la DTA(DD), d’un Plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR), et d’un Projet d’intérêt général (PIG).

1) La DTA 06

La révision et la modification de la DTA 06 ont déjà été envisagées. C’est le préfet de région, et non le préfet de département, qui est compétent pour mener une une modification de DTA ancienne manière, mais la révision nécessiterait le passage à la DTADD. Cela pourrait être le cas si les préfets de région et du 06 estiment qu’il existe d’autres motifs de révision que la question qui nous préoccupe, vu l’ancienneté de la DTA en vigueur. On peut penser qu’une telle décision sera postérieure aux prochaines élections départementales et régionales, dont la date est maintenant incertaine.

2) La prescription d’un Plan de prévention d’un risque naturel prévisible (PPR)

Le préfet du 06 peut envisager la mise à l’étude d’un PPR pour la vallée de la Roya qui, une fois approuvé, sera automatiquement annexé aux PLU ou cartes communales en tant que servitude d’utilité publique, sans attendre la mise à jour du SCoT ou de la DTA. Un PPR réalise un zonage des espaces absolument inconstructibles (nouveau lit majeur de la Roya), et de ceux qui pourraient faire l’objet de certains aménagements ou constructions, de façon compatible avec l’occurrence du risque. Il peut aussi réglementer les occupations du sol, même sans artificialisation, qui peuvent amplifier les dommages. Les nouveaux lits majeurs des affluents de la Roya et les itinéraires de ruissellement torrentiel, dans la mesure où ils sont identifiables, ne devront pas être ignorés,.

D’une manière générale, les PPR-inondation sur le littoral ont été et restent très difficiles à mettre en place en raison de l’opposition de nombreux élus et d’une partie de la population. Mais il ne s’agissait pas, ou rarement, de crues torrentielles catastrophiques. Il est donc permis de penser que leurs homologues de la Roya n’auront pas la même attitude au regard de l’ampleur de la catastrophe et de la reconstruction, mais il y aura certainement des résistances liées à des opportunismes locaux, d’ordre électoraliste ou purement privés. L’association REN ne les cautionnera pas.

3) La prescription d’un Projet d’intérêt général (PIG)

Ce peut être la formule choisie pour la création de l’itinéraire de sécurité civile proposé en rive gauche de la Roya, entre Fontan et Saint-Dalmas, et éventuellement jusqu’à la Brigue. Cette formule présente un triple intérêt :

– une fonction de maintien de l’accessibilité motorisée en cas de double coupure de la RD 6204 et de la voie ferrée (répétition de l’expérience de 2000), indépendamment du risque de crue torrentielle ;

– un financement par l’Etat, cumulable avec d’autres sources de financement (département notamment, en vue de l’entretien par Force 06) ;

– une garantie relative, quoique non absolue, contre le détournement clientéliste du projet et de l’ouvrage par les élus locaux.

Le statut de la voie nouvelle issue du PIG pourrait être celui de la piste DFCI, voie spécialisée non ouverte à la circulation générale (Code forestier, art. L 134-2 et L 134-3), car elle pourra naturellement avoir aussi cette fonction de prévention du risque « incendie de forêt ». Le préfet 06 peut donc impulser le PIG proposé, avec mise en compatibilité du SCoT sur ce point. Cela ne règle pas la question de l’accessibilité de crise entre la Brigue et Tende, et entre Fontan-Saorge et Breil.

Le présent document, susceptible d’évolution en fonction d’éléments nouveaux d’information ou d’analyse, est mis en ligne sur le site de l’association, à l’attention tant des autorités officielles mentionnées que des autres associations et personnes morales de la vallée (notamment les syndicats agricoles) et de la population en général.

Le Conseil d’Administration de l’association Roya-Expansion-Nature

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