Lettre au Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

24
26
27

ARGUMENTAIRE

Nous tenons à insister sur les points suivants :

  1. . Normes de sécurité : Outre les arguments déjà développés, vous pourrez trouver en pièce jointe l’avis favorable de l’Agent de sécurité sur le Dossier de sécurité – mise à jour en août 2011 et validé à Turin le 23 septembre 2011 par la Commission Inter Gouvernementale (CIG) des Alpes du Sud (PJ). Il ressort de ce texte que suite à l’alternat total mis en place, la situation actuelle de la sécurité au tunnel de Tende ne dépend plus que de quelques aménagements. De notre point de vue, si l’on réalésait le tunnel actuel, comme prévu dans le Rapport Brossier, les problèmes de sécurité pourraient être réglés, l’alternat de circulation étant maintenu en l’état. La proposition de l’ANAS citée plus haut montre qu’il est possible de faire ce type de travaux tout en gardant une voie de circulation routière pendant le chantier. De plus, ce dispositif permettrait de diminuer au moins de moitié le coût global actuel des travaux.

 
Nous soulignons à ce sujet que c’est l’alternat total mis en place qui préserve la vallée de la Roya d’un déferlement de trafic comme celui que connaissent les autres tunnels transalpins.
Si le passage des camions est actuellement faible, c’est uniquement grâce à l’alternance mise en place, dont nous demandons le maintien dans la durée. Dans cette situation, les camions passent ailleurs, mais si le tunnel vient à être doublé, ils l’utiliseront en tant qu’itinéraire plus court, au détriment de la qualité de vie et de l’air et de la sécurité des habitants des villages traversés, ainsi qu’au détriment de la qualité des eaux de la Roya qui constitue l’essentiel de la ressource en eau des deux Riviera, italienne et française et de la Principauté de Monaco.

Nous rappelons que le tunnel de Tende est déjà le 3ème tunnel transalpin en terme de circulation des véhicules légers après le Fréjus et le Mont Blanc. En revanche, le trafic journalier en moyenne annuel (TJMA) est bien en dessous du seuil de 10 000 véhicules/jours pour lequel un bitube est exigé par la législation en vigueur pour les tunnel transeuropéen de plus de 500m.

Voici un extrait d’un courrier du SCOT de la Riviera Française et de la Roya daté de 2010 faisant suite à notre courrier joint au registre de concertation de Saorge , signé par son président Monsieur Bassani, “ Le PADD a mis en avant la nécessité de réduire les nuisances de trafic de fret international et la volonté très nette de ne pas accroitre le gabarit du tunnel de Tende afin de favoriser la réduction des gaz à effet de serre. Ces éléments sont toujours de première importance pour les maires de la vallée et leur esprit est respecté dans le DOG. Aujourd’hui, les élus cherchent une solution pour répondre à deux priorités : sécuriser le tunnel et contenir l’arrivée des poids lourds dans la vallée. Le premier impératif ne peut être contourné. Le tunnel doit être mis en conformité avec la règlementation sur les ouvrages de ce type. L’augmentation du gabarit induite par ces travaux provoquera un appel d’air du trafic routier international, ce à quoi les élus de la vallée sont tout à fait opposés, conscient de l’impact en terme de sécurité, de développement économique et d’environnement”

La proposition que nous avançons ci dessus permettrait de répondre aux deux priorités évoqués par le SCOT. Nous demandons une sécurisation sans doublement, en conservant l’alternat.

  1. I. Accord franco-italien ratifié : Dans la Convention d’Espoo, il est stipulé dans l’article 6 alinéa 3, qu’il est possible aux parties signataires d’un accord international de redéfinir leurs positions au vu de la prise en compte de nouveaux éléments postérieurs à la signature du traité et qui pourraient remettre en cause sa validité. Les éléments que sont le Grenelle de l’Environnement, les préconisations contenues dans le Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT), les nouvelles orientations politiques du gouvernement en faveur du transfert modal de la route vers le rail, les nécessaires économies budgétaires mises en avant par les derniers rapports de la Cour des Comptes, ainsi que le classement des cinq sites Natura 2000 de la vallée de la Roya, justifient pleinement un réexamen de ce traité grâce au dispositif de la Convention d’Espoo. Sans parler de la Convention Alpine, ratifiée par la France, dont un des alinéas précise : «Conscientes du fait que, dans l’espace alpin, une politique des transports basée sur les principes de durabilité correspond à l’intérêt des populations alpines mais aussi extra-alpines et qu’elle est également nécessaire à la préservation des espaces alpins à la fois en tant qu’habitat et qu’espace économique et naturel.»

III. Financement engagé : Même si des financements ont déjà été engagés vis à vis des entreprises italiennes bénéficiaires des appels d’offre, les travaux de percement n’étant pas encore commencés, il devrait être possible de revenir sur les engagements pris, tout comme cela a été le cas pour le projet LGV PACA, remis en question pour des motifs de restriction budgétaire, et dont le projet initial s’oriente maintenant vers une nouvelle approche.

Investir actuellement dans le doublement routier du tunnel de Tende, qui correspond à un financement de 230 millions d’euros, est en contradiction avec la volonté affirmée de M. Hollande de favoriser le report modal de la route vers le rail. Au vu des besoins de financement pour la modernisation et la pérennisation de notre ligne ferroviaire Nice-Tende-Cuneo qui s’élèvent à 116 millions d’euros, et qui est actuellement en danger, il nous semble plus écologiquement durable d’investir sur le rail plutôt que sur le routier.

IV. L’enquête publique : Il nous a été souvent mis en avant que l’enquête publique concernant ce projet n’avait fait l’objet que de peu d’observations. Le principe même de l’information concernant les enquêtes publiques a été pointé du doigt par de nombreuses associations telles l’Union Régionale Vie et Nature (URVN), filiale de France Nature Environnement (FNE), qui a d’ailleurs mis en place un dispositif de veille juridique qui permet dorénavant aux associations d’avoir accès à l’information de toutes les enquêtes publiques en prévision sur leur secteur. En effet, bien souvent ces enquêtes, qui ne nécessitent officiellement que deux encarts dans les journaux locaux et une affiche dans la mairie de la commune sur laquelle le projet va être réalisé, passent totalement inaperçues. Dans le cas du doublement du tunnel de Tende, et plus généralement des autres tunnels transalpins, les impacts liés aux projets dépassent largement la commune où l’ouvrage est réalisé. Ceci explique pourquoi notre association, tout comme les 25 autres associations départementales et régionales concernées par le projet et ayant signé la motion-pétition demandant le réexamen du doublement à Tende du projet (PJ), n’ont pas déposé d’observations dans le cadre de l’enquête publique dont ils n’ont pas été informés.

V. Questions environnementales :

Tous les courriers que nous avons adressés aux différents ministres de l’Écologie depuis M. Borloo concernant ce projet ont été transférés au Ministère des Transports. Or si celui-ci n’a pas dans ses compétences l’aspect écologique des dossiers, nous nous trouvons devant un non-traitement de toute la partie « impacts sur l’environnement » du projet. Notre intervention auprès de Madame Delphine Batho a également été transférée le 12 juillet 2012 au Ministère des Infrastructures, des Transports et de la Mer, sans être étudiée par le Ministère de l’Ecologie. Afin de briser cette boucle, nous nous adressons à vous pour que ce dossier soit traité dans son intégralité. Vous trouverez en pièce jointe notre argumentaire à ce sujet, auquel le ministère de l’Ecologie n’a toujours pas apporté de réponse.

L’étude d’impact, limitée à une zone très restreinte autour de l’ouvrage lui-même, n’a pas pris en compte de nombreux aspects directs et indirects liés au doublement et à l’accroissement du trafic routier qu’il induit  :

– les dépassements dans l’ensemble des arrière-pays des Alpes Maritimes des seuils d’ozone autorisés par la Commission européenne (12 années de dépassement très important des seuils sur les treize dernières années, source : Air Paca) devraient inciter à limiter le trafic routier sur ces zones, afin de préserver la santé publique gravement mise en danger par la pollution, comme vous le savez ;

– les cinq sites Natura 2000 que compte la vallée de la Roya ;

– enfin les espèces protégées mondialement comme le Loup et les Chauve-souris, mises en danger en raison de l’accroissement du trafic induit par le projet, sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour leur protection. Les chiroptères sont des espèces particulièrement vulnérables (collisions dues à l’attraction lumineuse) ; or certaines des zones traversées par la RD 6204, en particulier le site Natura 2000 à chauve-souris de Breil-sur-Roya, et le site Bendola qui comprend les gorges de Saorge, sont très favorables pour la nidification des espèces rocheuses ou cavernicoles.

VI. La RD6204. D’autre part, la route française d’accès au tunnel, la RD 6204, n’est absolument pas adaptée à l’ouverture à deux chaussée liées au doublement du tunnel, chacune de 6,50 mètres de large  ; celle-ci devra donc être également transformée pour des motifs de sécurité évidents. Cette route étroite et fragile, où deux camions ne peuvent se croiser à de très nombreux endroits, ne supporterait pas l’accroissement du trafic sans travaux importants qui seraient très coûteux, même si le montant des travaux n’a jamais été évalué.

On assisterait ainsi à une destruction d’écosystèmes et de paysage, grands atouts de notre patrimoine local et de l’activité touristique qui s’y déploie.

VII. Déplacements transalpins routiers et ferroviaires. Une révision globale des déplacements transalpins routiers et ferroviaires semble désormais incontournable, tant les doublements routiers à Tende et au Fréjus, ainsi que la situation au Mont Blanc, mobilisent d’opposition face au déferlement de trafic sur des vallées fragiles, son impact catastrophique sur l’environnement, la qualité de vie, la qualité de l’air, et l’économie locale. L’ensemble des associations de défense des secteurs concernées est en attente depuis des années d’un changement de vision et de stratégie dans les domaines des transports, pour accorder au terrain les préconisations de la Convention alpine, du Grenelle, du SNIT, et des schémas relatifs à la qualité de l’air. Nous vous adressons à ce sujet une copie du courrier des 5 associations des massifs alpins adressé à Monsieur Cuvillier le 9 décembre 2012, et resté jusqu’ici sans réponse.

D’autant que les véhicules de transit peuvent tout à fait continuer de prendre l’autoroute qui va de Turin ou Asti à Savona, soit du Piémont à la Ligurie. Nous vous proposons de vous reporter utilement au schéma routier qui se trouve sur le site du GIR Maralpin, et qui décrit les différents itinéraires routiers existants pouvant servir de contournement :

http://www.girmaralpin.org/confnvxdossiers/MolinariConfRouteRailColTende807s.pdf

Ce sont les raisons pour lesquelles nous réitérons notre demande de ne pas procéder au percement du nouveau tube, et nous vous demandons de choisir d’investir les économies ainsi réalisées en faveur de la ligne ferroviaire.

Ce courrier n’a pour l’instant fait l’objet d’aucune réponse